La grève est depuis le XIXe siècle une action collective consistant en une cessation concertée du travail par les salariés d'une entreprise, d'un secteur économique, d'une catégorie professionnelle ou par extension de toute autre personne productive, souvent à l'initiative de syndicats. Cette action vise à appuyer les revendications des salariés en faisant pression sur les supérieurs hiérarchiques ou l'employeur (chef d'entreprise ou patron), par la perte de production que la cessation de travail entraîne. Il s'agit d'une épreuve de force : le gréviste n'est pas rémunéré alors que l'entreprise ne produit plus et perd de l'argent.
Le statut juridique des actions de grève est variable selon les pays, de l'interdiction pure et simple (en particulier dans les dictatures), à l'encadrement réglementaire ou législatif. Dans les pays où la grève est légale, elle est en général interdite à certaines professions qui assurent les fonctions régaliennes de l'Etat ou des services publics élémentaires : ainsi des militaires, des pompiers professionnels ou encore des policiers.
Histoire
Le plus ancien conflit connu entre employeur et travailleurs dont l'histoire ait gardé la trace a eu lieu en Égypte en l'an 29 du règne de Ramsès III (soit au milieu du XIIe siècle av. J.-C), à Deir el-Médineh. Les ouvriers chargés de la décoration des monuments de la Vallée des Rois protestaient contre le retard de ravitaillement3.
France
Le mot français « grève » tire son nom de la place de Grève à Paris. Cette place, située en bord de Seine devant l'hôtel de ville, était un des principaux points d'accostage des bateaux, car bordée d'une plage de sable. Les hommes sans emploi y trouvaient une embauche facile pour les chargements et déchargements.
Place de la Grève
La grève implique en premier lieu l'arrêt du travail. Elle peut par ailleurs se concrétiser par le blocage de l'outil de production, par des mesures destinées à gagner l'opinion publique (salariés d'EDF qui reconnectent les déconnectés ou basculent les compteurs en tarif de nuit, salariés de France Télécom qui permettent des appels gratuits...), par des manifestations, et dans certains cas par des actions illégales voire pénalement répréhensibles, comme le chantage environnemental ou la séquestration de membres de la direction. La grève ne prend pas nécessairement une tournure aussi spectaculaire ; il peut s'agir tout simplement d'un arrêt de travail de quelques heures, par exemple pour faire remonter à la direction un conflit avec l'encadrement.
La grève a longtemps été interdite, conséquence de l'abolition des corporations et de la contractualisation du droit du travail. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l'État monarchique réprimait les grèves et emprisonnait souvent les grévistes. A partir de 1864, sous l'Empire libéral, la grève est progressivement légalisée. Les grèves ont été encore plus longtemps interdites aux fonctionnaires. Cependant, à la suite de la Libération en 1944, et en réaction contre tous les interdits imposés par l'occupation nazie et le régime de Vichy, la Constitution de 1946 autorisa la grève des fonctionnaires, à l'exception de certains agents d'autorité, « dans le cadre des lois qui la réglementent », d'où l'obligation du préavis de grève.
En France, les grandes grèves « ont généré la production de droits nouveaux » qualifiés de « conquêtes » ou d'« avancées » sociales : la grève générale de juin 1936 permit l’obtention des congés payés, ainsi que la reconnaissance des conventions collectives et des délégués du personnel. La réduction du temps de travail a été une lutte importante du mouvement ouvrier depuis le XIXe siècle - la création en 1889 du 1er mai comme journée annuelle de grève ayant pour but la réduction de la journée de travail à 8 heures (voir loi des 8 heures).
La grève peut aussi être un outil pour défendre la démocratie : grève du 12 février 1934 contre le fascisme, grèves pendant l’occupation, grèves en 1961 contre les militaires putschistes, etc. La grève n’est alors « plus simplement l’un des produits de la démocratie moderne ; elle est aussi garante de la démocratie politique ».
Les grèves sont, avec les manifestations et les pétitions, un des moyens privilégiés par les syndicats français et les salariés pour défendre les acquis sociaux tels que les conditions de retraite, la sécurité sociale ou le système éducatif public, ainsi que pour obtenir des hausses des salaires et des améliorations des conditions de travail.
Les grèves de non-salariés se développent : médecins, routiers, buralistes, chauffeurs de taxis… Ces actions diffèrent des grèves classiques dans la mesure où ces professions libérales ou ces artisans sont leurs propres employeurs. Le conflit les oppose dans ce cas au législateur. Il existe également le phénomène des grèves étudiantes, mobilisations collectives au cours desquelles les étudiants votent la grève en Assemblées générales, et cessent donc d'aller en cours (comme les autres grèves, ces mouvements s’accompagnent parfois de la mise en place de piquets de grève). Il ne s'agit pas de grève au sens traditionnel ni au sens juridique du terme puisqu'étudier n'est pas une activité salariée ni productrice. Cependant, les syndicats étudiants considèrent les étudiants comme des travailleurs en formation, donc que leur grève serait un moyen de pression sur leurs futurs employeurs.
Avec l’installation d’un chômage de masse, les grèves ont diminué dans le secteur privé. Par ailleurs, plus l’entreprise est petite, plus les grèves sont rares. La grève en France est majoritairement le fait de la fonction publique. En 1989 près de 70 % des jours de grève recensés l'étaient dans la fonction publique.
États-Unis
L'apogée du mouvement ouvrier aux États-Unis se situe à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle : entre 1881 et 1905, on dénombre 37 000 grèves dans le pays. En 1919, 2 665 grèves réunissent quatre millions de salariés. En 1946, cinq millions de salariés sont en grève. Noam Chomsky souligne de son côté combien « l'histoire américaine des relations de travail est inhabituellement violente, beaucoup plus que dans d'autres société industrialisées » et cite les estimations de Patricia Sexton dans son livre The War On Labor And The Left (1992) qui parle de 700 grévistes tués et des milliers de blessés de 1877 à 1968 alors qu'on ne compte qu'un seul gréviste tué en Grande-Bretagne depuis 1911.
Quelques grèves majeures aux États-Unis :
- 1er mai 1886 : environ 200 000 travailleurs se mettent en grève pour obtenir la journée de huit heures. À Chicago, les ouvriers se rassemblèrent à l'usine Mc Cormick pour revendiquer la journée de huit heures de travail quotidien, pour laquelle une grève générale mobilisant 340 000 travailleurs avait été lancée. Deux jours plus tard, les policiers tuèrent deux grévistes ce qui déclencha des émeutes qui firent plusieurs morts. Sept policiers furent tués par l'explosion d'une bombe (Massacre de Haymarket Square). Quatre anarchistes furent exécutés en 1887. Le 1er mai servit de référence à la IIe Internationale pour la fête des travailleurs.
- 1894 : les grévistes des usines de la Pullman Company dénoncèrent les baisses de salaire en 1894. À la suite de la répression organisée par le maire et le président américain Grover Cleveland, 12 ouvriers furent tués.
- 8 septembre 1965 : début de la grève des ouvriers agricoles de Delano avec César Chávez.
- 5 août 1981 : la grève initiée deux jours plus tôt par la Professional Air Traffic Controllers Organization aboutit au licenciement par l'administration Reagan de 11 345 contrôleurs aériens qui avaient refusé de reprendre le travail comme l'avait ordonné le président américain.
- Grève des Teamsters chez UPS.
- 2007 : Grève de la Writers Guild of America.
Eurogrève et grève mondiale
En 1997, la direction de Renault décide de la fermeture d'un des sites historiques de la marque au losange en Belgique : Renault Vilvoorde. 3 100 emplois sont directement supprimés, 4 000 chez les fournisseurs et les sous-traitants. Renault venait d'être élue par les Français marque du siècle en décembre 1996, à la veille de son centième anniversaire et avait une image de laboratoire social. L'entreprise a vu son action grimper de 13 % à Paris la première séance faisant suite à l'annonce de fermeture du site. L’image de l'entreprise se ternit et en mars 1997, des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs pays de l’Europe des Quinze s'unissent pour la première Eurogrève.
TypologieDifférents modes de grèves ont été inventés au cours de l'histoire :
- grève tournante : grève concertée entre tous ou une partie des salariés qui se relaient pour faire grève de façon à ce que les effectifs de travail ne soient jamais au complet sans trop de pertes de salaire.
- grève perlée : se traduit par un ralentissement volontaire de l'activité. Ce n'est pas une grève au sens juridique du terme, mais une inexécution de ses obligations contractuelles de la part du salarié. Ce type d'action est illégal en France.
- grève du zèle : consiste à appliquer les règlements dans leurs moindres détails. Avantage pour le gréviste : il réalise son travail, donc cette action est licite (cas des douaniers ou des professionnels pour lesquels la grève est interdite) et il perçoit son salaire, mais il fait tendre sa productivité vers zéro.
- grève sauvage : cessation collective, volontaire et concertée du travail, en dehors de toute consigne syndicale, par des salariés refusant d'astreindre leurs revendications au seul cadre de leurs préoccupations professionnelles.
- grève générale : grève regroupant l'ensemble ou la grande majorité des travailleurs d'un pays autour des mêmes revendications principales.
- grève de la faim : méthode parfois utilisée dans des cas particulièrement tragiques, par exemple par des sans papiers ou des prisonniers désespérés ; elle a généralement un caractère politique. Il existe aussi des grèves de la soif.
- « grève à la japonaise » : cessation collective du travail où les grévistes mécontents portent un brassard durant leurs heures de travail ; ils affichent parfois leurs revendications.
- grève solidaire : cessation collective du travail d'une partie des salariés visant à soutenir, par solidarité, les revendications d'une autre catégorie de travailleurs en grève.
- grève avec piquets de grève : les grévistes se réunissent devant le lieu de travail. Dans le cas où le piquet de grève empêche physiquement les non-grévistes d’aller travailler, ce type de grève est illicite en France.
- grève avec occupation : conflit collectif du travail au cours duquel les salariés grévistes occupent les locaux ; les premiers cas en France ont eu lieu durant les grèves de 1936, qui ont abouti à l’obtention des congés payés.
- La grève politique : ce type de grève se donne pour objet, non d’infléchir la position prise par l’employeur sur des revendications professionnelles mais d’affirmer une position politique. En France, la grève politique est rattachée d’un point de vue légal à un « usage abusif » du droit de grève (même si en pratique elle est en fait parfois autorisée).
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